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La chronique cinéma de Libussa

La lettre que vous ne lirez pas dans Télérama
Mehdi Charef, La fille de Keltoum, Algérie, 2002, 1 h 56

Sur cinéma premier, je viens de regarder, bouleversée, le film de Mehdi Charef, La fille de Keltoum. Le tenant pour un film rare voire unique, je consulte illico Télérama pour voir comment votre magazine salue cette exception française (je sais pourtant combien votre magazine est partial et peu fiable en un domaine d'intérêt certain pour une large partie du lectorat : cf. votre ancienne critique sur Suor Inès de la Cruz) : quelle n'est pas ma stupeur, voire mon incrédulité en lisant "mélo prévisible". Ce road-movie tourné dans un "non-lieu" d'extrême aridité géographique, ce document d'une beauté fulgurante à chaque image, ce parcours de deux femmes de culture différente mais d'origine commune, ici confrontées à la pauvreté, à la violence de la dénégation masculine, ne mérite selon Télérama aucun triple T. Alors que Mehdi Charef signe un film plus fort que Telma et Louise, d'une sensibilité constamment attentive aux effets mortifères des genres (vous savez : la fameuse "domination masculine") votre critique de Télérama n'a rien vu, rien, "qu'un propos affaibli". Dès qu'un film, fût-il signé d'un nom d'homme, offre une vision réaliste de l'état des rapports sociaux de sexe (comme on dit dans nos universités), il doit passer à la trappe, aux oubliettes. Qu'une mère doive vendre sa fille pour offrir un puits à la famille (en mille et un pays, il en est encore ainsi) est, pour votre critique, un mélo. Quant aux rebondissements inattendus et ô combien révoltants du parcours des héroïnes, votre critique les juge prévisibles. Sans doute est-il une femme vivant dans un pays du tiers monde, habituée aux figures multiples de la réification. Il frappe de nullité mièvre un film puissant et qui, descriptif, n'est pas militant (mot haï des organes de presse tels que le vôtre).
Permettez-moi aujourd'hui de dire ici que Mehdi Charef a fait oeuvre pie (pour reprendre l'expression de feu André Balland à propos de mon dernier ouvrage, descendu en flèche par L'Évènement du jeudi) et que nous le remercions, nous, les spectatrices des récents Monster et Osama.

    Michèle Causse,
   écrivain (sans e, à l'exemple de "putain", le juron le plus récurrent de la langue française.


     

 

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Dernière mise à Jour : 18 mars, 2010