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Textes critiques
et autres
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Introduction à une
histoire du mouvement lesbien en France
par Brigitte Boucheron
Colloque Visibilité/invisibilité
des lesbiennes,
organisé par la Coordination lesbienne en France (CLF), 19
mai 2007, hôtel de ville de Paris.
RÉSUMÉ
Enfants du MLF et de Mai 68, les pionnières du mouvement lesbien disent une chose inconcevable : le lesbianisme est une force politique, l’hétérosexualité un régime politique hégémonique à combattre. Pour la première fois, les lesbiennes « font mouvement » hors de leurs places assignées en hétéroland : l’inexistence publique et la pornographie. Il faudra deux décennies (70 et 80), pour consolider cette légitimité toute nouvelle, à travers groupes, journaux, revues, textes fondateurs, rencontres nationales, prises de distance voire ruptures théoriques, notamment avec certains courants du féminisme. Ce mûrissement de presque 20 ans, en non-mixité 100 % lesbienne, débouche, durant la décennie 90, sur l’apogée des réalisations lesbiennes – associatives, culturelles, commerciales, politiques –, assurant d’abord la visibilité de la culture lesbienne auprès des lesbiennes elles-mêmes, puis, vers le milieu de la décennie, auprès de la société « at large ». Les années 2000 voient les mères fondatrices confrontées à l’émergence des mouvements LGBT et queer, où la mixité réduit leurs « filles » à la lettre L, sur fond d’antiféminisme et de dominance gay. Wait and see…
******
Nous partons
pour le survol de presque 40 ans d’histoire, puisque Mai 68
a été notre bing bang. Nous sommes, avec le Mouvement
de libération des femmes, un des bienfaits de Mai 68…
Il s’agira seulement ici d’établir,
à la lumière parfois de ma propre histoire, les principaux
jalons du mouvement lesbien en France, une relation exhaustive dudit
mouvement restant à faire. Souhaitons que les chercheuses,
dans et hors institution, explorent notre histoire récente.
Les archives existent et nous sommes vivantes pour témoigner.
D’où venons-nous ?
En rédigeant le résumé
de cette intervention, j’ai tout à coup mesuré
le pas de géante que représente l’apparition dans
le paysage humain de cette chose inconcevable qu’on appelle
maintenant le mouvement lesbien. Voilà que s’exprimaient,
et accusaient et se moquaient et analysaient collectivement, ces êtres
jusque-là invisibles, muettes, non-sujets, qui n’avaient
comme seul bagage que quelques figures mythiques (Sappho, Renée
Vivien, Natalie Barney…), quelques livres (1) et films (2) et de rares chanteuses (3) au message « subliminal ». Isolées, dissimulées
dans les hautes herbes de l’hétérosocialité,
elles étaient tout juste bonnes à être pornographiées
en littérature et au cinéma pour jouer les faire-valoir
de la seule « véritable » sexualité, la
sexualité masculine. Vouées à la honte et donc
aux amours malheureuses, certaines étaient livrées aux
stigmates terrifiants d’une chose appelée vice dont on
mesure mal les ravages – particulièrement chez les lesbiennes (4) élevées dans l’idéologie catholique pure
et dure : toutes les vies détruites ou « retardées
» que j’ai eu à connaître l’ont été
(et le sont toujours) par cette idéologie. Je parle de ce que
je connais, mais j’ai bien peur que les ravages soient les mêmes
quelle que soit la religion. Et je me réjouis tous les jours
d’être née dans une famille sans autre foi que
celle du bonheur possible.
68 + MLF, mes amours
Pourquoi dans la seconde vague du féminisme,
à partir des années 1970, les lesbiennes ont-elles pu
apparaître et s’exprimer, alors que leur invisibilité
est criante durant la première vague, au 19e et au début
du 20e siècle ? Parce que 68 et parce que le MLF (5).
Il ne s’agissait pas en 68 de revendiquer des droits, mais de
changer la vie, de tout remettre en question, de détruire tous
les rapports de domination, tout ce qui prétend empêcher
d’être, et dans tous les domaines dont, bien sûr,
la sexualité. Pour beaucoup de femmes et de lesbiennes, 68
a été le temps de la parole libératoire. Les
mots libération et révolution étaient
les maîtres mots, bien davantage qu’égalité
et droits. Autres maîtres mots, spécifiques
au MLF : sororité, amour des femmes (en réaction
à la misogynie, ciment-pierre de la domination masculine).
Pour la première fois, l’histoire
offrait aux lesbiennes l’occasion de devenir sujet. Il n’est
donc pas étonnant qu’elles aient investi massivement
le MLF qui offrait à leur révolte, de femmes et de lesbiennes,
une chance d’expression, grâce, entre autres, à
la non-mixité, dont on ne dira jamais assez le caractère
fondamental : elle a permis l’émergence d’une reconnaissance,
d’une pratique, d’une parole, d’une pensée
collectives, elle a permis aux femmes et aux lesbiennes l’acquisition
de l’indépendance, bien exprimée par
ce slogan du groupe Psychanalyse et Politique : « Indépendance
érotique, indépendance économique, indépendance
politique ».
Les lesbiennes ont entendu et appliqué
à 100 % les célèbres slogans féministes
: « Le privé est politique », « Notre corps
nous appartient ».
On sait maintenant que les lesbiennes
étaient nombreuses et actives en tant que telles dans les tout
premiers groupes du MLF à Paris. En témoigne le choix
d’une des premières manifestations publiques du MLF :
le chahut, salle Pleyel à Paris, le 10 mars 1971, de l’émission
de Ménie Grégoire, célèbre animatrice
de radio, dont le thème était ce jour-là : L’homosexualité,
ce douloureux problème. L’émission est interrompue
et Ménie Grégoire s’enfuit sous les cris de «
À bas les hétéroflics ! ».
On sait maintenant combien les lesbiennes
ont été nombreuses dans les groupes du MLF qui se sont
formés spontanément partout en France. On connaît
aussi l’importance de l’apport théorique au féminisme
des chercheuses lesbiennes (Michèle Causse, Christine Delphy,
Colette Guillaumin, Nicole-Claude Mathieu, Claire Michard, Hélène
Rouch (6), Monique Wittig…).
Les lesbiennes étaient partout,
et bien sûr lors de la première apparition publique du
MLF, ce fameux 26 août 1970 à l’arc de Triomphe
à Paris où une poignée d’intrépides
insolentes (7)
furent embarquées dans un panier à salade après
avoir tenté de déposer une gerbe à la mémoire
de la femme du soldat inconnu.
Si l’hétérocentrisme
était dominant au MLF, la parole lesbienne s’est exprimée
dès les premières parutions homosexuelles et féministes
en 1971 : en avril, dans le n° 12 de Tout !, journal
du groupe mixte maoiste Vive la révolution ; en mai, dès
le premier numéro du Torchon brûle, journal
du MLF. La page de couverture du n° 1 comporte cette bulle : «
Et puis merde ! j’aime les femmes », et dans chacun des
6 nos du Torchon brûle, qui paraît jusqu’en
1973, il y aura des textes lesbiens.
En 1972, un tract des Gouines rouges
(voir plus bas) parlait bien d’oppression à l’intérieur
du MLF : « Chaque fois que vous dites “nos mecs”,
une lesbienne la boucle. » « Ce n’est pas l’hétérosexualité
qui nous opprime. C’est vous. Et comme on vous aime, on vous
a intériorisées… On a toutes une hétéroflic-mère
de famille dans la tête ! » Cela dit, le fait que les
hétérosexuelles étaient objectivement en lien
étroit avec « l’oppresseur » suscita chez
certaines d’entre elles malaise, voire culpabilité et
le sentiment que les lesbiennes étaient l’avant-garde
du féminisme, voire son summum – « Le féminisme
est la théorie, le lesbianisme est la pratique » (Ti-Grace
Atkinson). Certaines tentèrent même ladite pratique avec
plus ou moins de bonheur… Mais, dans l’ensemble, les féministes
ne renvoyèrent pas l’ascenseur aux lesbiennes et l’on
n’entendit jamais dans les manifs : « Nous sommes toutes
des lesbiennes ! » Dommage (8)…
Première époque – les années
70 – avec les féministes, le temps de l’analyse
et de l’acquisition de la légitimité
Pourquoi avec les féministes
et non avec les gays ? Parce que les lesbiennes qui se sont investies
dans le MLF étaient avant tout sensibles à la critique
radicale des rôles sociaux et sexuels imposés aux femmes,
rôles qu’elles-mêmes ne remplissaient évidemment
pas. De plus, elles subissaient, en tant que femmes les mêmes
sujétions culturelles, politiques et sociales que les hétérosexuelles,
la même misogynie. Ce qui faisaient – et fait bien sûr
encore – une considérable différence avec les
hommes homosexuels. Elles étaient avant tout des femmes.
Les premiers groupes – le FHAR et les Gouines rouges
À partir de quand et comment
des lesbiennes se sont-elles manifestées en tant que groupe
spécifique ? L’immédiat après-68 est le
théâtre d’un formidable foisonnement politique
et intellectuel, partout en France. Les réunions succèdent
aux réunions, souvent chez les unes et les autres. On passe
d’un groupe éphémère à l’autre.
Rien n’est figé.
En 1970, à Paris, l’écrivaine
Françoise d’Eaubonne, les militantes Anne-Marie Fauré
et Maryse décident de réunir les quelques rares lesbiennes
d’Arcadie, unique et très respectable club privé
« homophile » en France (9). À leur grand étonnement, une cinquantaine de lesbiennes
se présentent. Mais elles sont vite priées de se réunir
ailleurs car leur radicalisme effraie André Baudry. Françoise
d’Eaubonne lui déclare : « Vous dites que la société
doit intégrer les homosexuels, moi je dis que les homosexuels
doivent désintégrer la société ! »
Ce groupe devenu mixte – les hommes y sont minoritaires –
participe au chahut, évoqué plus haut, de l’émission
de Ménie Grégoire L’homosexualité,
ce douloureux problème et se baptise FHAR (Front
homosexuel d’action révolutionnaire) en mars 1971.
Le FHAR publie en septembre
1971 un recueil de textes sous le titre Rapport contre la normalité.
Y figure un chapitre, « Les lesbiennes », dont un texte
signé de l’initiale M., intitulé Quelques
réflexions sur le lesbianisme comme position révolutionnaire,
où l’hétérosexualité est mise sur
le même plan, en tant qu’objet d’analyse,
que l’homosexualité et la bisexualité. On y lit
déjà que « l’hétérosexualité
fait partie intégrante des rapports de domination du système
», thèse qui sera développée, affinée,
moins de dix ans plus tard, par Monique Wittig et les lesbiennes radicales.
Mais la majorité des textes portent
sur l’homosexualité masculine. En fait, depuis avril,
après le retentissement du n° 12 de Tout !, diffusé
à environ 50 000 exemplaires, et où le FHAR
apparaissait en pleine lumière, les hommes y étaient
devenus largement majoritaires. Les lesbiennes ne se retrouvaient
plus dans ce qui s’y exprimait : prégnance du discours
sur la jouissance et le sexe (masculin), jeux sans distance ni critique
avec les stéréotypes de la féminité, misogynie,
non-écoute : « Le FHAR, qui veut unir lesbiennes
et pédés, reflète cependant dans sa composition
l’oppression des femmes contre laquelle il entend aussi lutter
», regrette l’Introduction du Rapport du FHAR.
Parallèlement, des réunions
sur la sexualité ont lieu au sein du MLF : en 1970, autour
d’Antoinette Fouque ; en février 1971, Margaret Stephenson
(Namascar Shaktini) crée le groupe Les Polymorphes perverses
; en janvier 1971, des Féministes révolutionnaires,
notamment Christine Delphy et Monique Wittig, forment un groupe de
réflexion qui, dans un premier temps, est ouvert à «
tout le monde », c’est-à-dire aux hétérosexuelles.
Quelques mois plus tard (vers avril ou mai), il deviendra «
non mixte », ce qui suscite une forte contestation des hétérosexuelles
qui se plaignent d’être exclues. Et c’est ce groupe
qui, peu de temps après, prendra le nom de Gouines rouges (10),
premier groupe lesbien qui se nomme en France. « Nous sommes
une cinquantaine, une centaine peut-être, venues de tous les
horizons et dont l’âge se situe entre vingt et trente-cinq
ans. (…) Nous avons distribué des tracts à l’entrée
des boîtes de femmes, à Pigalle, chez Moune, organisé
une fête aux Halles en juin 1971 pour “fêter dans
la joie le commencement de notre révolte, sortir de nos ghettos,
vivre enfin notre amour au grand jour”, comme disait le tract (11).
Nous nous réunissions chez les unes et les autres, et un jour
nous ne sommes plus revenues aux AG du FHAR. Le détour
par le FHAR n’en a pas moins été un moment
important de l’évolution de la problématique lesbianisme/féminisme
en ce que du côté des lesbiennes il a scellé le
choix de la non-mixité de manière quasi définitive
» (Marie-Jo Bonnet, 1998).
En mai 1972, les Gouines rouges
font acte de visibilité collective aux Journées de dénonciation
des crimes contre les femmes à la Mutualité, organisées
par le MLF et où, bien sûr, l’oppression des lesbiennes
ne fait pas partie des thèmes prévus (avortement, viol,
violences conjugales, travail domestique). Elles montent sur la scène,
invitent les lesbiennes de la salle à les rejoindre, lisent
leur tract au micro, intitulé « Femmes qui refusons les
rôles d’épouse et de mère l’heure
est venue – du fond du silence il nous faut parler »,
chantent « À bas l’ordre bourgeois et l’ordre
patriarcal – À bas l’ordre hétéro
et l’ordre capitalo – Amies prenons les armes contre l’ordre
moral – ne soyons plus rivales – Aimons-nous entre femmes ».
« La formation de ce groupe de
lesbiennes a été très contestée dans le
MLF, raconte M.-J. Bonnet, mais on voulait faire un groupe d’homosexuelles
en liaison avec le mouvement des femmes, mais autonomes. (…)
Puis les réunions des Gouines rouges se sont espacées.
Trop jeunes, inexpérimentées, privées de modèles
identitaires, d’histoire et de culture propres, nous n’étions
pas prêtes à affronter le regard extérieur pour
nous affirmer ailleurs que dans le Mouvement de Libération
des femmes. » Le groupe disparaît début 1973.
Les circonstances de la formation des
Gouines rouges et leurs prises de position illustrent dès
le début la situation des lesbiennes entre les féministes
et les gays.
Rivière souterraine
Durant la décennie 70, et surtout
à partir de 1976, des groupes de lesbiennes se créent
à Paris et dans un certain nombre de villes en France, dans
ou hors des groupes du MLF, mais toujours en lien avec lui (12).
Il existe plusieurs cas de figure :
• Certaines créent un groupe
lesbien visible et très actif à l’intérieur
du groupe MLF auquel elles appartiennent, comme le Groupe de lesbiennes
du Centre des femmes de Lyon en 1976 (13).
• D’autres créent
des groupes autonomes : à Paris, le Front lesbien international
(1974-1976), né au congrès féministe de Francfort,
le Groupe des lesbiennes féministes (1975-1978), qui
fabrique un journal (4 nos), le Groupe des lesbiennes de Paris
(1977) qui fera 2 numéros de Quand les femmes s’aiment
(voir note 20) ; à Aix-en-Provence, le Groupe femmes homosexuelles
(mars 1978) ; toujours à Aix-en-Provence, le premier restaurant
associatif féministe et non mixte : L’Invitée
(22 décembre 1978-novembre 1984), avec débats, fêtes,
spectacles, expos..., « pris en charge entièrement par
des lesbiennes et fréquenté à 95 % par des lesbiennes
bien qu’officiellement restau de femmes... Les actions du féminisme
aixois étaient en grande partie initiées et portées
par des lesbiennes. C’était plus “paritaire”
à Marseille ! Mais ce que l’on retrouve de commun entre
les deux pôles du féminisme provençal c’est
la volonté de ne pas mettre en avant cette réalité
lesbienne... Il faudra attendre 1980 et le lesbianisme radical
pour que tout cela change enfin » (entretien avec Nicole Sirejean,
du Groupe femmes homosexuelles d’Aix).
• Il semble qu’il y ait
une exception toulousaine, du moins je n’ai pas entendu parler
d’un cas similaire. En effet, alors que des groupes lesbiens
se créent en réaction à l’hétérocentrisme
des groupes du MLF, à la Maison des femmes de Toulouse (1976-1982),
ce sont les hétérosexuelles qui éprouvent le
besoin de créer un groupe – les « hétérosexuelles
momentanément satisfaites de leur sort » – et qui
quitteront la Maison des femmes, laissant cette dernière aux
féministes lesbiennes « dominantes ».
Pendant toute cette décennie
70, le lesbianisme a été dans le MLF (14) une rivière souterraine, inspiratrice
de bien des actions, mais qui ne se nommait pas ou peu (même
à la Maison des femmes de Toulouse, dont les militantes se
sont toujours dites « du mouvement de libération des
femmes »). Et pourtant c’est à la Maison des femmes
de Toulouse que j’ai acquis une bonne partie de ma culture lesbienne (15)
et de ma connaissance des analyses du lesbianisme radical.
Pour la plupart des lesbiennes, l’acquisition
de leur légitimité a eu besoin de ces années,
à l’ombre du féminisme et grâce au féminisme.
C’est en effet durant ces premières
années que les lesbiennes acquièrent les armes théoriques
pour penser leur place dans la société. Les groupes
et les lieux qui se créent, l’organisation de rencontres,
leur donnent la possibilité de penser ensemble, d’analyser
et de théoriser, de commencer à penser et à
parler lesbien. Les moments de loisirs collectifs sont nombreux
: repas, fêtes, week-ends. Les lesbiennes se socialisent, découvrent
dans la jubilation le plaisir de « l’entre-femmes
» et acquièrent sans en être toujours conscientes
la légitimité qui va leur permettre de devenir visibles,
de se constituer en mouvement et plus tard en groupe social à
part entière.
La construction de cette légitimité
a sans doute aussi bénéficié des actions menées
par les GLH dont nous avions connaissance (16), des premiers films réalisés par des lesbiennes, des
émissions de télévision qui commencent à
aborder la question (17),
de la parution de romans et d’essais (18),
reflets des temps nouveaux, notamment aux éditions Des femmes (19),
créées en 1973. Bientôt Jocelyne François
recevra le prix Femina pour son roman Joue-nous « España » (Mercure de France, 1980), Geneviève Pastre publiera De l’amour lesbien (Horay, 1980) et Marie-Jo Bonnet
Un choix sans équivoque, recherches historiques sur les
relations amoureuses entre les femmes, XVIe-XXe siècle (Denoël, 1981).
Deuxième époque - fin des années
70-début des années 80 – naissance du mouvement,
toujours avec le féminisme mais sans les féministes
Un texte de Françoise Renaud,
membre du MIEL (voir note 34), paru en octobre 1981 dans
le n° 12 d’Homophonies, journal mixte du comité
d’urgence anti-répression homosexuelle (CUARH), pose
bien la situation : « … une dynamique existe, née
d’une longue, patiente action militante. (…) nous ressentons
comme vital le besoin de nous réunir afin de trouver notre
terrain d’existence et d’action. Il faut que les lesbiennes
deviennent une force politique, qu’elles apparaissent comme
telle. (…) On a trop dit que les lesbiennes sont à la
charnière du combat féministe et du combat homosexuel.
Jusqu’à présent, cela a surtout signifié
que nous en étions les laissées-pour-compte. »
L’affirmation lesbienne se traduit
par plusieurs événements spécifiquement lesbiens
de portée nationale : parution à diffusion nationale
de journaux et d’une revue (Quand les femmes s’aiment (20),
1978, Désormais (21)
1979, Lesbia, 1982, Vlasta, 1983) ; rencontre (22) ;
coordination des groupes (23),
1978 ; rencontres d’été, 1977, 79, 80, 81 (24),
réunissant des centaines de lesbiennes militant pour la plupart
dans le mouvement féministe. Les lesbiennes « font mouvement
» !
Le mouvement lesbien
Le début des années 80
est une période charnière dans la construction du mouvement
lesbien. Les rencontres nationales, émotionnellement très
fortes, font naître ou renforcent des envies de « terres
de femmes » (25),
de lieux et de pratiques spécifiquement lesbiennes. Les analyses
des lesbiennes radicales circulent. On commence à entendre
que le féminisme ne fait qu’accommoder le système
patriarcal là où le lesbianisme le remet vraiment en
cause, ce que résume abruptement la célèbre formule
« hétéros collabos » du groupe radical Lesbiennes de Jussieu (créé fin 1979).
La revue féministe radicale Questions
féministes publie en février (n° 7) et mai
(n° 8) 1980, deux textes fondateurs de Monique Wittig : «
La pensée Straight » et « On ne naît pas
femme ». On y parle de « traquer le cela-va-de-soi hétérosexuel
», de « destruction de l’hétérosexualité
comme système social basé sur l’oppression des
femmes par les hommes ». On y lit des choses inouïes pour
les oreilles de la lesbienne lambda (26) :
« … il serait impropre de dire que les lesbiennes vivent,
s’associent, font l’amour avec des femmes car “femme”
n’a de sens que dans les systèmes de pensée et
les systèmes économiques hétérosexuels.
Les lesbiennes ne sont pas des femmes. PS. N’est pas davantage
une femme d’ailleurs toute femme qui n’est pas dans la
dépendance personnelle d’un homme. » En 1981, dans
le n° 1 de Nouvelles Questions féministes, paraît
« La contrainte à l’hétérosexualité (27) et l’existence lesbienne » de l’Américaine
Adrienne Rich. Ces analyses de l’hétérosexualité
– cœur de l’oppression des femmes – et du féminisme
– « atelier de réparation de moteurs hétéros
» (28) – traversent
le mouvement des femmes, mais leur onde de choc mettra parfois des
années pour atteindre leurs destinataires, tant l’attachement
des lesbiennes féministes au féminisme est grand : nous
étions tellement, d’abord et avant tout, des femmes (29)…
Quoi qu’il en soit, radicales
ou non, les lesbiennes prennent leur indépendance.
Alors que le mouvement féministe
est en perte de vitesse, pendant les premières années
de la décennie 80, « le mouvement lesbien récupère
le radicalisme et le dynamisme du mouvement des femmes » (30) et prend place sur l’échelle du temps : les Archives
lesbiennes sont créées à Paris en 1983 (31).
Des scissions ont lieu (32),
des lieux s’ouvrent, de réflexion et de convivialité (33),
des groupes se créent, radicaux (34)
et moins radicaux (35),
ou déjà uniquement conviviaux (36).
Fin 1982, l’Agendienne, premier agenda lesbien (Paris),
recense des groupes à Lille, Nantes, Nancy, Rennes, Grenoble,
Marseille, Besançon, Rouen, Macon, Tours, et sept restaurants
ou cafés dans les grandes villes. En 1986, une bonne délégation
française assiste à Genève à la 8e conférence
de l’ILIS (International Lesbian Information Service) organisée
par Vanille/Fraise, groupe genevois très actif de
lesbiennes politiques.
Un autre signe de la présence
lesbienne grandissante dans le paysage français des années
80 : le nombre de films (37) et d’ouvrages (38) qui paraissent sur le sujet lesbien augmente de manière significative
par rapport aux années 70, donnant corps aux lesbiennes et
répondant à la belle injonction de Monique Wittig :
« Il nous faut dans un monde où nous n’existons
que passées sous silence, au propre dans la réalité
sociale, au figuré dans les livres, il nous faut donc, que
cela nous plaise ou non, nous constituer nous-mêmes, sortir
comme de nulle part, être nos propres légendes dans notre
vie même, nous faire nous-mêmes, êtres de chair,
aussi abstraites que des caractères de livre ou des images
peintes » (Avant-note à La Passion de Djuna
Barnes, 1982).
À partir de 1985, durant la «
somnolence dépressive » (39) qui caractérise pour beaucoup de militantes les années
qui ont suivi l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981,
le mouvement lesbien mûrit tranquillement. À la fin des
années 80, un certain nombre de lieux voient le jour en France,
qui prendront leur plein essor au cours des années 90 : La
revue La Grimoire (1987) fabriquée à Albi,
la plupart des maisons de vacances du Gers (quatre entre 1984 et 1987),
le festival « Quand les lesbiennes se font du cinéma
» à Paris (1988), Bagdam Cafée à Toulouse
(1988), les éditions Geneviève Pastre à Paris
(1989), première maison d’édition lesbienne en
France (gpastre-editions.com). En 1989, les Archives lesbiennes publient
le premier Annuaire des lieux, groupes et activités lesbiennes,
féministes et homosexuelles, diffusé à plusieurs
milliers d’exemplaires en France et en Europe.
En ces années 80, les féministes
lesbiennes deviennent lesbiennes féministes, ajoutant à
leur arc la corde lesbienne à la corde féministe. Elles
sont enfin arrivées au plus près d’elles-mêmes.
IIIe époque > les années 90
> l’ancrage dans le concret et dans la vie quotidienne >
visibilité intérieure/visibilité extérieure
> les lesbiennes deviennent un groupe social
Après le temps des élaborations
théoriques et des groupes souvent éphémères
des deux décennies précédentes, vient celui des
réalisations à long terme et de la visibilité
lesbienne dans la cité.
La première vague du mouvement
lesbien du début des années 80, interrompue par l’entracte
de l’après-81, est suivie d’une deuxième
vague, avec la naissance, de 1990 à 1999, de plus de vingt
associations qui entretiennent entre elles des liens étroits
et dont les réalisations allient militantisme, culture lesbienne
et convivialité. Ces associations se fédèrent
en 1997 dans la Coordination lesbienne nationale (renommée
en 2002 Coordination lesbienne en France (40))
qui organise des rencontres nationales et bientôt s’engage
auprès des féministes et du mouvement LGBT. Depuis sa
création, la CLF mène également un travail d’information
en direction de la société civile, des parlementaires
et du gouvernement. L’une des premières actions de la
Coordination fut d’obtenir une entrevue avec Geneviève
Fraisse, alors déléguée interministérielle
aux droits des femmes (20 mars 1998) : « Pour la première
fois, des lesbiennes sont reçues officiellement par l’État,
à Matignon, pour parler de leurs revendications ou surtout...
de leur existence sociale » (Nicole Sirejean, membre de la délégation) (41)
.
La décennie 90 voit également
le développement sur tout le territoire d’une économie
lesbienne : maisons d’édition, maisons de vacances, bars,
restaurants, services divers, petits commerces, librairies par correspondance,
premier service de rencontres sur Internet (42).
Les rencontres nationales permettent
l’expression de réalités lesbiennes jusque-là
non entendues/non entendables, notamment celles des lesbiennes «
de couleur », celles des lesbiennes en situation de précarité
ou subissant des violences au sein de leur couple. Le vieillissement
de la génération pionnière fait naître
des projets de maisons de vie commune pour lesbiennes âgées.
Les lesbiennes deviennent un
groupe social spécifique qui tente de répondre à
ses diverses réalités.
La multiplication des lieux, des rencontres
et des pratiques pendant environ dix ans a permis, entre autres, la
constitution de nombreux réseaux partout en France. Elle a
permis aux lesbiennes non politisées de se « socialiser
lesbien » plus facilement, notamment grâce aux fêtes
organisées régulièrement (principale source de
financement), d’acquérir une culture lesbienne (films,
livres, chanteuses, plasticiennes…). Il s’agissait là
d’assurer la première des visibilités, la visibilité
intérieure, celle de l’existence lesbienne auprès
des lesbiennes elles-mêmes.
Vers le milieu des années 90,
un certain nombre d’associations, fortes d’elles-mêmes
et de leurs réalisations, commencent à pratiquer une
visibilité extérieure dans leur ville (43).
Il s’agit beaucoup plus d’affirmer l’existence lesbienne
que de demander des droits, contrairement aux gays. Et pour cause
: notre principal problème était et reste l’invisibilité.
Ce qui explique en 2007 le thème de ce colloque et la bataille
pour imposer le concept de lesbophobie – ce qui n’est
pas nommé n’existe pas – menée principalement
par la Coordination lesbienne, auprès des féministes,
des associations LGBT et des institutions politiques, bataille qui
se poursuit actuellement.
Toute cette militance, associative et
commerciale, a permis d’élargir l’horizon des lesbiennes,
leurs espaces de vie, elle a contribué à leur donner
force, légitimité et références communes,
à leur permettre de parler et de penser lesbien 24 heures sur
24.
Cette volonté de visibilité
extérieure trouve un (faible) écho dans la société
: à partir de 1995, la présence lesbienne s’accentue
chez les éditeurs (quelque 200 parutions pour la décennie
– en 1990 le prix Goncourt du premier roman avait été
décerné à Hélène de Monferrand
pour son roman Les amies d’Héloïse). La
télévision consacre quelques rares émissions
au sujet lesbien (entre une et trois par an). Quant au cinéma,
un film par an en moyenne est distribué dans les salles entre
1995 et 1999. Le bilan est encore plus pauvre dans la presse écrite
où, à côté de textes indigents, voire affligeants,
ne paraît qu’un (excellent) dossier coordonné par
Christine Delphy, dans Politique, la revue en 1997.
IVe époque – les années
2000 – le mouvement LGBT, les lesbiennes 1/4 de portion (44),
le chaudron queer et les ladyfest
En 2007, un constat s’impose :
la grande vague collective lesbienne en France issue du féminisme
n’est plus. Depuis 1999, de nombreuses associations ont soit
fermé leurs portes, soit restreint leurs activités ou
n’ont plus qu’une adresse postale et un site internet.
Ce qui a pour conséquences une raréfaction des lieux
d’accueil et de socialisation pour les nouvelles arrivantes,
et la perte de la mémoire et de la transmission de la culture
lesbienne – les lieux pérennes étant irremplaçables
pour la transmission car ils permettent des échanges au long
cours, notamment intergénérationnels. Les nombreux et
parfois excellents sites lesbiens sur Internet ne remplacent pas l’échange
collectif in vivo.
Les décennies 1980-1990 ont été
les décennies lesbiennes féministes, les années
2000 sont les années LGBT et queer, où les interrogations
sur le genre brouillent les pistes pour le meilleur – avec les
ladyfest (45)
entre autres – ou pour le pire – avec le retour de la
mixité et donc de l’hégémonie masculine.
L’extraordinaire fécondité de la non-mixité
rendue possible par le mouvement des femmes, antidote à la
misogynie intériorisée et outil indispensable pour construire, entre autres, le
genre lesbien, ne fait pas partie de l’histoire, de la mémoire,
de la vie de la plupart des lesbiennes, militantes ou non, des nouvelles
générations. Le grand mouvement actuel où elles
peuvent se socialiser est le mouvement LGBT où elles sont réduites
à 1/4 de portion (46)
et où la mixité relève de l’impératif
catégorique (dont la transgression expose parfois à
des représailles : la domination masculine chez certains gays
est très décomplexée (47))…
Encore ont-elles la possibilité de parler lesbien dans les
« réserves » que constituent les soirées
spéciales femmes internées dans le programme des associations…
À la « gauche » du
courant LGBT, chez les transpédégouines, le bouillonnement
du chaudron queer est à l’œuvre. Les prises de position
rejoignent celles du FHAR (48).
La réflexion et le jeu sur les genres se donnent à voir
lors de festivals annuels où sont programmés films,
concerts, expositions, performances, ateliers. À Toulouse,
le programme du 3e festival XXYZ (février 2007), centré
sur la prostitution et la pornographie, avait de quoi atterrer «
la lesbienne féministe de plus de 50 ans », mais comportait
quelques productions lesbiennes et femmes intéressantes dont
un court métrage sur le viol (Hier soir de Mauvais Genre Productions)
et un vrai faux porno lesbien (Tronçonne-moi baby !,
PlouqueProd).
Les mouvements LGBT et queer en France
sont dominés qu’on le veuille ou non par des problématiques,
des valeurs, des jeux, un langage, des intérêts masculins
: gay is dominant, malgré la bonne volonté et l’honnêteté
intellectuelle de certains militants. Les jeunes lesbiennes sont d’autant
plus coupées de leurs « racines » que cette dominance
gay est relayée très efficacement par la misogynie inhérente
à l’antiféminisme sociétal, donc dominant,
auquel peu de jeunes lesbiennes résistent (49).
Mais depuis le début des années
2000, une nouvelle génération de lesbiennes politiques
est à l’œuvre dont les réalisations sont
encore mal connues de leurs aînées qui les attendaient
pourtant avec impatience – il existe hélas une opacité
intergénérationnelle qu’il est difficile de traverser.
À Paris, après La Barbare (1999-2007) et Le
groupe du 6 novembre (1999) (50),
sont nées Les Furieuses Fallopes (2003) (51),
Lesbiennes contre le racisme et la discrimination (2005) (52)
et à Albi, l’association Air Libre (2005) (53).
Des squats femmes et lesbiennes naissent et renaissent, notamment
à Grenoble (le dernier en date, La Dame de pique)
et il existe un peu partout des groupes informels autour d’un
projet, notamment l’organisation des festivals ladyfest.
Ce concept, inventé en 2000 par des musiciennes américaines,
en réaction contre le machisme du milieu rock, a essaimé
partout dans le monde. Une cinquantaine de ladyfest ont déjà
eu lieu sur presque tous les continents, du Brésil à
l’Indonésie, et même en Pologne ! En France, à
Nantes en 2003, à Toulouse en 2006, à Grenoble en 2007,
la prochaine se tiendra à Bordeaux en avril 2008 (54).
Chaque ladyfest a sa couleur propre, selon les options de
l’équipe organisatrice, mais la tonalité féministe
est la base du festival et la non-mixité est bien présente.
À Grenoble, outre les concerts et les films, étaient
programmés des ateliers mixtes et non mixtes (pour les «
êtres humains qui sont des femmes, des trans ou des lesbiennes
») sur les mécanismes du sexisme, le féminisme
radical, le dégenrement, la réparation de vélo,
la mécanique, l’aïkido, les règles douloureuses
et les hormones, l’avortement, l’autoexamen gynéco,
les sexualités lesbiennes, les femmes et le travail dans les
métiers d’hommes, le hip-hop, et un désormais
grand classique : la fabrication d’un gode… Et la fête
de clôture était non mixte.
Excepté quelques « ratons
laveurs » (la mixité, les trans, le hip-hop et la fabrication
d’un gode), cette énumération est familière
à mes oreilles de lesbienne féministe de + de 50 ans,
d’autant plus qu’étaient prévue également
une discussion transgénérationnelle avec un collectif
de femmes de + de 50 ans…
Conclusion
Alors, c’est quoi aujourd’hui
le mouvement lesbien en France ? Je serais tentée de répondre
qu’il a vécu, du moins dans sa forme première.
La rotation des générations est là, et pour les
pionnières vient l’heure de jouer les « grands
témoins » tout en continuant à œuvrer pour
l’existence lesbienne selon leurs propres modalités.
Les différences politiques semblent
de taille entre les anciennes et les nouvelles générations
: le mariage et la maternité, considérés par
les anciennes comme lieux privilégiés de l’aliénation
et de l’enfermement des femmes, sont l’objet de tous les
désirs pour nombre de nouvelles ; les pratiques sexuelles,
non essentielles pour les unes, sont devenues centrales, du moins
dans les discours, pour les autres ; la pornographie (55)
et la prostitution, cercles majeurs de l’enfer hétérosocial
pour les pionnières, sont désormais considérées
comme des domaines de subversion (les mêmes films sur ces sujets
sont programmés dans les festivals ladyfest et transpédégouines)
; la non-mixité, creuset de toutes les inventions et source
de tant de plaisir et d’émotions dans les décennies
précédentes, n’est assumée que partiellement.
Sexualité omniprésente,
pornographie, prostitution… Audre Lorde (56)
aurait-elle eu tort, qui disait : « On ne démolira jamais
la maison du maître avec les outils du maître »
?
Spectatrice perplexe, j’avoue
mon impatiente curiosité de voir comment les nouvelles lesbiennes
ne vont pas manquer de retrouver leurs racines tout en accommodant
à leur profit les quelques ingrédients récupérables
du chaudron queer où je ne suis pas seule à voir le
dernier avatar de la domination masculine. Un bémol : l’invisibilité
extérieure/intérieure continue de marquer, en un
éternel recommencement, l’existence lesbienne ;
les initiatives comme les ladyfest se déroulent souvent
dans des lieux alternatifs et n’accèdent pas à
la médiatisation (Arte a diffusé un reportage en mai
2006 sur la 2e ladyfest… de Varsovie). L’absence
ou la faible communication intérieure, envers le mouvement
des aînées notamment, évidemment inévitable
dans un premier temps, est particulièrement frustrante.
Mais qu’importe, une nouvelle
histoire est en marche. Rendez-vous dans quelques années…
Un grand merci à Devra Ajdelbaum, Isabelle Chéron,
Natacha Chetcuti, Irène Corradin, Christine Delphy, Marie-Claude
Flous, Jacqueline Julien, Nadine Laroche, Michèle Larrouy,
Françoise Leclère, Moutsie, Nicole Sirejean, Fannie
Souillard, Suzette Triton, Barbara Wolman.
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des cultures gays et lesbiennes, Didier Eribon (dir.), Larousse,
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des femmes dans la cité, lesbiennes et féministes au
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et Christine Delphy a été publié en français
avant de l’être en anglais à l’initiative
de Christine Delphy.
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: lesbiennes, bas les masques, enfin ! », Lesbia Magazine,
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– festivalxxyz.canalblog.com – fuoricampo.net –
furieuses.melanine.org – gpastre-editions.com – genevievepastre.blogspirit.com
– labarbare.free.fr – ladyfest.org – ladyfestgrenoble
– ladyfestbordeaux – ladyfestwien.org – michele-causse.com
– moniquewittig.com – pantheresroses.org – tapages67.org
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1. La série des Claudine, Le
pur et l’impur, Les vrilles de la vigne de Colette, Le puits de solitude, Radclyffe Hall, 1928, trad. fr. 1932, Poussière, Rosamond Lehman, 1927. De l’après-guerre
à 1968, une trentaine de romans paraissent en France, dont
beaucoup, reflets de l’atmosphère ambiante de répression,
donc de dissimulation et de culpabilité, voire de honte, sont
des romans catastrophes : amour non partagé (Althia,
Irène Monesi, 1957 ; Je jure de m’éblouir,
Éveline Mahyère, 1958) ; aimée mystérieuse
et dure qui fait souffrir (Le rempart des Béguines,
Françoise Mallet-Joris, 1951) ; retour de l’une des amantes
à l’hétérosexualité (Qui qu’en
grogne, Nicole Louvier, 1953) ; mort de l’une des amantes
(La lettre, Clarisse Francillon, 1958). Mais il y eut le
merveilleux Olivia (Dorothy Bussy, 1949, trad. fr. 1951)
et le « flamboiement Violette Leduc », notamment avec La bâtarde (1964) et Thérèse et Isabelle (1966, texte intégral, 2000).
2. Faute de mieux, les adolescentes
cinéphiles des années 60 ont éprouvé quelques
troubles en voyant Le silence (1963) et Persona (1966) d’Ingmar Bergman ou La religieuse de Jacques
Rivette (1965). Puis il y eut les calamiteux Les biches (Claude
Chabrol, 1968), Le Renard (Mark Rydell, 1968) et Thérèse
et Isabelle (Radley Metzger, 1968), ridicule massacre du fabuleux
texte de Violette Leduc. Grâce aux ciné-clubs, elles
ont pu voir Jeunes filles en uniforme (1931), chef-d’œuvre
de Léontine Sagan, Garbo dans La reine Christine (1933), Olivia (1950), petit bijou d’intelligence et d’humour
de Jacqueline Audry, et la première lesbienne explicite de
l’histoire du cinéma, la comtesse Geschwitz, dans Loulou (1929) de Georg Wilhelm Pabst.
3.Suzy Solidor (1900-1983),
Dany Dauberson (1925-1979), Nicole Louvier (1933-2003), Gribouille
(1941-1968).
4. J’emploierai uniquement
ici le mot lesbienne, même s’il est anachronique,
les lesbiennes de l’époque se disant le plus souvent homosexuelles, voire femmes ; seules les radicales
s’approprièrent dès le début le mot lesbienne,
entaché par la pensée dominante d’une connotation
péjorative. Il s’imposera au cours des décennies
suivantes, avec l’acquisition de la légitimité.
5. J’utilise le sigle
MLF pour les périodes où le Mouvement de libération
des femmes était un et indivisible, c’est-à-dire
jusqu’en 1979, date à laquelle, l’un de ses courants,
le groupe Psychanalyse et Politique (plus connu sous le nom de Psych
et Po) dirigé par Antoinette Fouque, créatrice entre
autres des éditions Des femmes, s’appropria l’appellation
Mouvement de libération des femmes et le sigle MLF en les déposant
à l’Institut national de la propriété industrielle
(INPI). J’utiliserai « Mouvement des femmes »
après 1979.
6. Après avoir codirigé,
de 1990 à 1994, la collection Recherches aux éditions
Côté-Femmes, Hélène Rouch a codirigé à partir de
1996 la collection Bibliothèque du féminisme chez L’Harmattan.
Nombre de chercheuses doivent à son inlassable activité
la publication de leurs travaux. Elle est morte d'un cancer en 2009.
7. Cathy Bernheim, Monique
Bourroux, Frédérique Daber, Christine Delphy, Emmanuèle
de Lesseps, Christiane Rochefort, Janine Sert, Monique Wittig, Anne
Zelinski. Deux Américaines, Julie Dassin et Margaret Stephenson
(Namascar Shaktini), étaient restées sur le trottoir.
8.
Il faudra attendre les 15 et 16 mars 1997, date des Assises nationales
pour les droits des femmes, à La Plaine-Saint-Denis (banlieue
parisienne), où pour la première fois les lesbiennes,
dans toutes leurs composantes militantes, et d'une seule voix, ont
contraint – le mot n’est pas trop fort – une instance
féministe nationale à reconnaître et prendre en
compte leurs revendications... Cf. Nicole Sirejean, « Assises
nationales pour les droits des femmes : lesbiennes, bas les masques,
enfin ! », Lesbia Magazine, n° 160, mai 1997.
9. André
Baudry a ouvert le club Arcadie en 1957, après avoir créé
la revue du même nom en 1954.
10. «
“Gouines rouges”, c’est ainsi qu’un gauchiste
nous a interpellées alors que nous vendions Le Torchon
brûle. J’avais trouvé l’appellation
poétique et les autres furent du même avis. Pour lui,
“Gouines rouges” désignait toutes les féministes,
bien sûr » (mail de Christine Delphy). Merci à
elle pour ces informations sur la formation des Gouines rouges.
11. Le tract
est signé : Des lesbiennes du Mouvement de libération
des femmes et du Front homosexuel d’action révolutionnaire.
12. Toutes les lesbiennes n’ont
pas choisi le même chemin : certaines se fondent définitivement
dans le féminisme, d’autres militent dans les GLH (groupes
de libération homosexuelle), associations homosexuelles mixtes
qui se créent à Paris et dans une vingtaine de villes
en France entre 1974 et 1979.
13. Voir le passionnant Chronique
d’une passion, Le mouvement de libération des femmes
à Lyon, L’Harmattan, 1989.
14. Principalement dans les groupes
qui n’étaient pas de la tendance « lutte de classe ».
15. En fait, à la Maison des
femmes de Toulouse, l’engagement féministe dominant des
militantes (majoritairement lesbiennes) n’a jamais empêché
« l’évidence lesbienne » de s’exprimer
sans contrainte et régulièrement au fil des 13 numéros
de La Lune rousse (1977-1982), journal de la Maison des femmes.
La Maison des femmes de Toulouse est une bonne illustration du lesbianisme-rivière
souterraine. Quelques exemples : les films à thématique
lesbienne réalisés à cette époque ont
été quasi tous programmés au ciné-club
(non mixte) de la Maison des femmes (1977-1992) : Je, tu, il,
elle (Chantal Akerman), Madame X, une souveraine absolue (Ulrike Ottinger), les films expérimentaux de Maria Klonaris
et Katerina Thomadaki, Anne Trister (Lea Pool), Le chant
des sirènes (Patrizia Rozema), La vierge mécanique (Monika Treut), Simone Barbès ou la vertu (Marie-Claude
Treilhou), Double Strength (Barbara Hammer), Le jupon
rouge (Geneviève Lefèbvre). Quand le n° 1 de Masques, revue des homosexualités, est paru (mai 1979),
la Maison des femmes de Toulouse a invité le groupe de lesbiennes
qui y participaient pour présenter ladite revue. Je ne pense
pas qu’une maison des femmes tenue par des hétéros
se serait intéressée à cette (excellente) revue.
Autre exemple d’engagement lesbien : un bus a été
affrété pour Lyon où une manifestation nationale
était organisée (12 décembre 1981) pour soutenir
une lesbienne qui risquait de perdre la garde de son enfant. Je suis
bien sûre que si nous avions été hétéros,
on ne serait jamais allées à cette manif. Et pourtant
le tract – très radical –, rédigé
à cette occasion, était signé : « Maison
des femmes de Toulouse, un lieu du mouvement des femmes ».
16. À Paris, première
manifestation spécifiquement homosexuelle, le 25 juin 1977,
contre la campagne antigay d’Anita Bryant aux États-Unis,
manifestation coorganisée par le MLF et le GLH-Politique et
Quotidien ; festivals de films à l’Olympic en 1977 et
à la Pagode en 1978, couverts par Libération et Rouge ; à Marseille, première université
d’été des homosexualités en 1979.
17. En janvier 1975, Les Dossiers
de l’écran donnent l’occasion à l’écrivain
et journaliste Jean-Louis Bory de se payer la tête du député
Mirguet, promoteur en 1960 du classement de l’homosexualité
dans les fléaux sociaux au même titre que l’alcoolisme
et la prostitution. En 1977, Elula Perrin porte la parole lesbienne
dans une émission-débat.
18. La surprise de vivre,
Jeanne Galzy (Gallimard, 1969) ; Les bonheurs, Jocelyne François
(Mercure de France, 1970) ; Les guérillères (Minuit, 1969), Le corps lesbien (Minuit, 1973) et Brouillon
pour un dictionnaire des amantes (Grasset, 1976), Monique Wittig
; Toutes trois, Lisa, Liu, Gro (Seuil, 1975) ; Les femmes
préfèrent les femmes, Elula Perrin (Ramsay, 1977)
; Les amantes, Jocelyne François (Mercure de France,
1978) ; En vol (Stock, 1975) et Sita (Stock, 1978),
Kate Millett ; Le cahier volé, Régine Deforges
(Fayard, 1978) ; Les femmes et l’amour homosexuel,
Nella Nobili et Edith Zha (Hachette, 1979) ; Mon frère
féminin, Marina Tsvétaïeva (Mercure de France,
1979).
19. Entre autres : Odyssée
d’une amazone, Ti Grace Atkinson, 1975, Femme et femme,
attitude envers l’homosexualité féminine,
Dolores Klaich, 1976, L’encontre, Michèle Causse,
1975 (michele-causse.com), Écrits, voix d’Italie,
Michèle Causse et Maryvonne Lapouge, 1977, Douce amère,
Gisèle Bienne, 1977.
20. Premier journal lesbien français,
à l’initiative du Groupe de lesbiennes du Centre des
femmes de Lyon. (7 nos, avril 1978-juin 1980 dont certains rédigés
par des collectifs parisiens), tiré à 1 000 puis à
1 500 exemplaires, Quand les femmes s’aiment accède
rapidement à une renommée nationale (lesbienne), signe
qu’il répondait à un besoin.
21. Désormais, diffusion
nationale, juin 1979-janvier 1980, 8 nos. Le titre, racheté
par Des femmes, fera une courte réapparition en encart dans Des femmes en mouvement Midi-Pyrénées, 1982.
22. Saint-Ay, près d’Orléans,
mai 1977, à l’initiative des lesbiennes des GLH Paris
et Orléans.
23. Première coordination
des groupes lesbiens, au Centre des femmes de Lyon, à l’initiative
du Groupe de lesbiennes, 11 novembre 1978. Il s’agit d’une
rencontre nationale « limitée aux groupes de lesbiennes
constitués plutôt qu’aux groupes mixtes et aux
commissions de femmes sur l’homosexualité » (Chronique
d’une passion, 1989), autrement dit les lesbiennes indépendantes
des hommes des GLH et des femmes du MLF.
24. Août 1977, Exoudun (Deux-Sèvres)
; juillet 1979, Paussac (Dordogne) ; juillet 1980, Marcevol (Pyrénées-Orientales)
; L’Euzières (Hérault), juin 1981.
25. En France, il y eut peu de concrétisations
de cette envie de vivre entre femmes au quotidien, sur une base radicale
et écologique, contrairement aux États-Unis et d’autres
pays de l’Europe de l’Ouest où, à partir
des années 80, se créent des lieux de vie ouverts où
passent des centaines de « travelling women » du monde
entier. Les rares terres de femmes en France ont été
créées par des Allemandes, des Suisses ou des Américaines
: Bouichette (Cum des Agals) dans l’Aude (1980-1991), L’Enfumée en Touraine (1984 ?-1989), Korrigwyn en Bretagne (1993-1999), Terra en Bourgogne (1993 - zedterra1@yahoo.fr), La Bernède en Ariège (1997-2001). Deux communautés
créées en Ariège, l’une en 1989, l’autre
en 1991, existent toujours.
26. Dès 1977, on lit dans
l’éditorial du n° 1 de Questions féministes : «… dans le même temps que nous détruisons
l’idée de “La Femme”, nous détruisons
aussi l’idée d’“Homme”. »
27. Je me souviens du choc intellectuel
produit sur moi par ce concept : contrainte à l’hétérosexualité.
Une telle évidence ! et je n’y avais jamais pensé
! En une seconde, le ça-va-de-soi de l’hétérosexualité
volait en éclats et ma légitimité crevait le
plafond des 100 % !
28. J’emprunte cette réjouissante
expression à « Quelques remarques sur l’homosexualité
», signé Sappho l’faire, Genève, décembre
1972, Le Torchon brûle, n° 5, début 1973.
29. Tellement femmes que
le mot lesbiennes n’apparaîtra dans les statuts
de nombreuses associations lesbiennes créées au début
des années 90 qu’après la création de la
Coordination lesbienne nationale en 1997 ; c’est le cas par
exemple pour Bagdam Cafée à Toulouse et Les Immédianes
à Amiens.
30. Claudie Lesselier, « Un
itinéraire aux archives lesbiennes », 1992.
31. Dès 1982, un collectif
parisien de lesbiennes radicales, Les Feuilles vives, avait
commencé un travail d’archivages.
32. À Paris, le collectif
de Questions féministes se dissout durant l’été
1980, la revue Nouvelles Questions féministes est
créée fin 1980.
33. Entre autres, L’Aquarelle à Lyon (lieu de réunion et cafétéria,
1980), La Lune noire à Strasbourg (lieu de réunion
et cafétéria, 1980), L’Échappée
belle à Poitiers (cafétéria, mai 1981-juillet
1985), La Douce amère à Marseille (lieu de
réunion et cafétéria le vendredi, 1983), Saphonie (association culturelle, Paris, 1984, qui va lancer un groupe santé
lesbienne, des cours et stages de mécaniques auto avec des
professionnelles lesbiennes, des débats, et en 1987 le ciné-club
de Saphonie, « Quand les lesbiennes se font du cinéma
», qui deviendra le festival que nous connaissons aujourd’hui.
34. Front des lesbiennes radicales (Paris, 1981-1982).
35. Femmes Entre Elles (Rennes,
1982), MIEL (Mouvement d’information et d’expression
des lesbiennes, Paris, 1981-1995). Cette association très active
est une des premières à prévoir dans ses statuts
la possibilité d’ester en justice pour lutter contre
les discriminations à l’égard des lesbiennes.
Elle pratique un double militantisme, féministe à la
Maison des femmes, homosexuel au sein du CUARH (Comité d’urgence
anti-répression homosexuel). Elle est l’auteur d’une
enquête, Être lesbienne aujourd’hui, le MIEL
enquête, 1988.
36. Les Bénines d’Apie,
association de randonnées pédestres, naît en 1984
(et existe toujours ; leur site : lesbenines.org). Je dis « déjà uniquement conviviaux » car dans les années 80,
les groupes lesbiens étaient majoritairement très politiques,
contrairement à ceux d’aujourd’hui qui sont plutôt
majoritairement conviviaux.
37. Les films expérimentaux
de Maria Klonaris et Katerina Thomadaki, ceux de l’Américaine
Barbara Hammer, Simone Barbès ou la vertu, Marie-Claude
Treilhou (1980), Dorian Gray dans le miroir de la presse à
sensation, Ulrike Ottinger (Allemagne, 1984), Anne Trister,
Lea Pool (Canada, 1986), Le chant des sirènes, Patrizia
Rozema (Canada, 1987), Le jupon rouge, Geneviève Lefèbvre
(1987), La vierge mécanique, Monika Treut (Allemagne,
1988), Simone, Christine Ehm (1988), Jeanne d’Arc
de Mongolie, Ulrike Ottinger (Allemagne, 1989).
38. Romans, biographies, correspondances,
ils sont trop nombreux pour les citer tous (plus de cent). Parmi les
auteures publiées ou (enfin) traduites : Djuna Barnes, Cathy
Bernheim, Mireille Best, Nicole Brossard, Michèle Causse, Hélène
Cixous, Régine Deforges, Jocelyne François, Anne Garetta,
Elula Perrin, Martine Roffinella, Renée Vivien, Jeanette Winterson,
Monique Wittig.
39. L’expression est de Jacqueline
Julien dans « À Toulouse : du féminisme lesbien
au lesbianisme féministe », 2003.
40. Ses buts sont de « renforcer
la visibilité et la représentation des lesbiennes dans
la société, de faire progresser leurs droits et de favoriser
les échanges en réseaux. Elle se veut une force dans
le champ politique et social, une affirmation de la citoyenneté
lesbienne. » www.coordinationlesbienne.org
41. Lire Nicole Sirejean, « La CLN sous les ors de la République
», Lesbia Magazine, n° 171, mai 1998.
42. Je renvoie pour plus de détails
sur cette période à mon article « La visibilité
lesbienne, it’s a long way », en ligne sur le site
de Bagdam Espace lesbien : www.bagdam.org
43. L’association Bagdam Espace
lesbien à Toulouse en est un bon exemple. Depuis sa création
en 1988 (sous le nom de Bagdam Cafée), Bagdam a mené
une politique résolue de visibilité : articles et annonces
de certaines de ses manifestations dans la presse locale, référencement
dans les guides locaux, nationaux et internationaux, encarts publicitaires,
participation à des émissions de radio et de télévision
locales et nationales. À partir de 1995, tout en continuant
son action de visibilité intérieure en invitant intra-muros
les théoriciennes, artistes, auteures et militantes majeures
du mouvement, elle met sur pied un partenariat ponctuel mais régulier
dans l’année avec certains acteurs culturels de la ville
(salles de cinéma, cinémathèque, librairie),
qui annoncent les événements Bagdam dans leurs programmes
tirés à des dizaines de milliers d’exemplaires.
Elle organise le Printemps lesbien de Toulouse depuis 1996,
et, depuis 2000, des colloques internationaux d’études
lesbiennes (six à ce jour), assortis de leurs Actes auto-édités
(revue Espace lesbien). Ces colloques et manifestations sont
toujours couverts par la presse et la télévision locales
et parfois nationales. Enfin, Bagdam a toujours veillé à
ce que ses banderoles, lors des marches de la fierté ou autres
manifestations soient très lisibles et très visibles.
44. Expression empruntée à
Jacqueline Julien, dans « F(emale) to L(esbian) : pour quel
genre de visibilité ? », 2005, p. 265.
45. Une ladyfest «
est un événement non commercial durant plusieurs jours,
qui a pour but de rompre avec la domination patriarcho-mâle
en musique et en art, en créant un espace public pour l’art
queer, transgenre et féministe, et en développant des
stratégies contre les mécanismes de répression
et d’exclusion régnant dans cette société.
L’attaque contre un système qui connaît seulement
deux sexes et l’hétérosexualité hégémonique
en fait aussi partie. En même temps on essaie d’anéantir
la frontière entre productrices et consommatrices de l’art
avec le principe diy, do it yourself » (Ladyfest Berne
2007).
46. Ce L fallacieusement
premier dans le sigle à 4 lettres.
47. À Marseille, lors des
Universités d’été euroméditerranéennes
des homosexualités 2006, des lesbiennes investissent un étage
et le nomment « Espace non mixte de lesbiennes et lesbiennes
féministes ». Elles disent leur bonheur d’avoir
vécu en non-mixité partielle pendant ces UEEH, leurs
mots sont l’écho de ceux des femmes et des lesbiennes
du Mouvement des femmes : « Beaucoup de rencontres, beaucoup
de découvertes, beaucoup de plaisirs, se connaître et
se reconnaître, beaucoup de mots qui manquent pour restituer
cette richesse et nos bonheurs. Pendant cette semaine, nous avons
aussi subi diverses violences politiques. La première, et sans
aucun doute la plus violente, est la négation de notre droit
d’être ensemble. » Suit l’énumération
des multiples intrusions-violations de l’espace lesbien. « Négligences,
bêtises de collégiens, non-prise en compte, manque de
respect dans l’espace que nous nous sommes approprié,
négation de nos droits, les mots manquent pour décrire
nos colères, nos rages et nos désarrois. » Fort
heureusement, les organisateurs ont salué « l’heureuse
initiative » des lesbiennes et décidé de « renforcer la place des lesbiennes pour les prochaines sessions, en
veillant à l’équilibre des identités et
des genres et au respect de celles-ci ». Le programme des UEEH
2007 comporte des ateliers lesbiens non mixtes et un forum «
Féminisme et mixité : les UEEH, rencontre lesbigaytransqueer,
comment vivre ensemble ? ».
48. Les panthères roses (Paris) : « Gouines, trans et pédés énervéEs
par l’ordre moral, le patriarcat, le sexisme, le racisme, le
tout-sécuritaire, les régressions sociales et tout ça.
Outil de résistance et composante politique du combat pour
une société alternative » ; TaPaGes (Strasbourg)
« est un groupe de transpédégouines en colère
qui luttent contre toutes les discriminations dont sont victimes les
personnes LGBT (lesbiennes/gay/bisexuel(le)s/transgenre), contre l’hétéropatriarcat,
et contre l’hétérosexisme. Nous sommes solidaires
de combats plus vastes, contre toute forme de discrimination et toute
forme d’oppression, ici et partout dans le monde. »
49. En 2005, un article du magazine Oxydo magazine (disparu aujourd’hui), consacré
à l’excellent portail lesbien Tasse de thé,
se terminait par ces mots : « Allez visiter ce site et soutenez
l’association qui depuis 3 ans se défonce pour donner
une image positive de l’identité lesbienne et la débarrasser
d’un héritage féministe un peu balourd. »
50. Le Groupe du 6 Novembre est « né en France, le 6 novembre 1999, d’une rencontre
de lesbiennes dont l’histoire est liée à l’esclavagisme,
les colonisations, l’impérialisme, les migrations forcées ».
51. Groupe non mixte de féministes
radicales. « Nous tendons à sortir de l’hétérosocialité
en apprenant à nous considérer en alliées, et
non plus en concurrentes éduquées pour répondre
à la demande d’un marché dont les hommes sont
les clients et les patrons. Révolution féministe ! »
furieuses.melanine.org
52. « Groupe international
de lesbiennes féministes et politiques de différentes
origines et nationalités. Ce groupe cherche à lutter
contre toute forme de racisme et de discrimination au sein de la communauté
lesbienne en France et au-delà des frontières. »
ldr@no-log.org
53. « AIR-Libre [Association
d’Interventions, de Recherches et de Lutte contre la violence
dans les relations lesbiennes et à l’égard des
lesbiennes] vise à combattre les effets hétérosexistes
et lesbophobes de nos sociétés et à dénoncer
le système hétérosocial qui les produit. Ainsi,
nos champs d’intervention se concentrent aussi bien sur les
violences, discriminations et oppressions que vivent les lesbiennes
(violences lesbophobes, rejet familial, difficulté à
se construire une identité lesbienne positive, etc.) que sur
les violences dans les relations lesbiennes. » air-libre.org
54. « Organisé principalement
par des femmes (mais les garçons motivés sont les bienvenus)
pour mettre en avant le travail des artistes féminines indépendantes,
le Ladyfest Bordeaux proposera des performances d’artistes,
des concerts, des projections, des ateliers, des conférences…
Le Ladyfest Bordeaux rejoint un mouvement mondial valorisant les projets
féminins et queers dans les domaines artistique et activiste.
Le principe est simple : un groupe de volontaires se rejoint et prépare
un festival de 3 jours autour des thèmes tels que la créativité,
la diversité, la promotion de l’égalité
entre les sexes et la lutte contre l’hétéronormalité.
C’est également l’opportunité de bâtir
une communauté, susciter des discussions et des collaborations
parmi les femmes et le réseau associatif local et international.
Les Ladyfest reposent sur l’idée de créer un espace
alternatif, amical, ouvert où les gens peuvent venir ensemble,
s’amuser et célébrer la diversité et la
place des femmes dans l’Art » (site ladyfest Bordeaux
2008)
55. Il est troublant de constater
que pornographiées par les hommes, les lesbiennes se pornographient
désormais elles-mêmes, en réaction à la
négation de la sexualité lesbienne en hétéroland.
La levée du tabou est peut-être à ce prix, mais
vivement que ça passe !
56. « Poète, guerrière,
mère, lesbienne, noire », selon ses propres termes, l’Américaine
Audre Lorde (1934-1992) est l’une des auteures qui a le plus
stimulé le mouvement féministe et lesbien aux États-Unis
puis en Europe. Lire, entre autres, Sister Outsider, essais et
propos d’Audre Lorde sur la poésie, l’érotisme,
le racisme, le sexisme…, 2003. Plusieurs colloques lui
ont été consacrés, dont L’attualità
del pensiero di Audre Lorde, organisé par Fuoricampo Lesbian
Group, Bologne, 2006.
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